Mise à jour 02/2025
Généralités
Carcinome basocellulaire (CBC) : tumeur maligne cutanée la plus fréquente, (80 % des cancers de la
peau non mélanocytaires)
Se développe à
partir des cellules basales de l’épiderme
Facteurs de risque :
- Exposition
chronique aux rayons UV
- Phototype clair
- Erythèmes
actiniques dans l’enfance
- Immunodépression,
transplantation d’organe
Epidémiologie
Cancer cutané
le plus fréquent dans le monde
Représente environ 70% des cancers cutanés
en France et environ 80% des cancers cutanés non mélanocytaires.
Incidence en
augmentation constante (vieillissement de la population et habitudes d’exposition
solaire)
Prédominance dans les populations à peau
claires et dans les zones fortement exposées aux rayons ultraviolets (UV),
notamment en Australie, en Europe du Nord et en Amérique du Nord.
Adulte > 50 ans (âge moyen lors du diagnostic : environ 65 ans).
Petite
prédominance masculine, environ 2 :1
Maladies associées
Syndrome de
Gorlin (syndrome du carcinome basocellulaire névoïde) :
- mutation de PTCH1
- survenue précoce et multiple de CBC
- kératokystes odontogéniques
- anomalies squelettiques
- multiples CBC (>5) avant 30 ans
Xeroderma pigmentosum : défaut de réparation de l’ADN post-exposition UV :
hypersensibilité au soleil et forte prédisposition aux cancers cutanés
Syndrome de
Bazex-Dupré-Christol : CBC précoces, hypotrichose, anomalies des
follicules pileux.
Albinismes oculo-cutanés
Immunodépression,
VIH, transplantation d’organe solide sous immunosuppresseurs, radiothérapie,
exposition aux radiations ionisantes
Clinique
Localisation
préférentielle : zones photoexposées, notamment tête et cou (80% des cas)
CBC nodulaire :
- papule ou nodule lisse, translucide, rosé et télangiectasique (« perle »),
d’extension progressive
- En périphérie : plusieurs petites lésions perlées
(bordure perlée) ou extension plane superficielle.
CBC superficiel :
- plaque érythémateuse plane, bien limitée, d’extension lentement progressive et
centrifuge.
- Parfois recouverte de petites squames ou croûtes.
- pas de perles
visibles.
- plus fréquent en zone de peau non photoexposée.
CBC
sclérodermiforme :
- plaque indurée, blanchâtre brillante, mal limitée et
déprimée
- diagnostic difficile en l’absence d’ulcération
- ressemble à une
lésion cicatricielle, blanche
- évolution lentement progressive et extension
centrifuge
- Limites difficiles à préciser, étendue souvent importante
Formes
pigmentées ou ulcérées
Dermoscopie
Signes
vasculaires spécifiques :
- arborisations vasculaires, vaisseaux fins,
ramifiés, arborescents, aux contours bien dessinés sur fond blanchâtre ou rosé
(surtout formes nodulaires)
- vaisseaux en points ou boucles courtes (surtout
CBC superficiels)
Structures
pigmentaires :
- nids ovoïdes (amas de pigment bleu-gris)
- globules ou granules
bleu-gris ou brunes (diffuses ou en périphérie)
- voile gris-bleu
Zones
blanchâtres (chrysalides) et translucides : structures linéaires blanches
brillantes visibles uniquement en lumière polarisée.
Structures en
feuille d’érable (structures digitées gris brun) et roues dentées (structure
composée d’une zone ovoïde gris bleuté avec projections plus linéaires
radiaires en circonférence).
Ulcérations
focales.
Corrélation dermoscopie - histologie :
- Vaisseaux arborescents classiques (vaisseaux de grand diamètre avec ramifications multiples et bien définies) : sous-type nodulaire.
- Vaisseaux arborescents fins (vaisseaux de petit diamètre avec peu de ramifications) : sous-type infiltrant.
- Vaisseaux arborescents courts (petits vaisseaux bien définis) : sous-type superficiel.
- Nids ovoïdes larges (structures ovales bien délimitées, non connectées intimement) : nodulaire-infiltrant.
- Globules bleu-gris (îlots de petites structures ovales bien circonscrites) : nodulaire-infiltrant.
- Points focalisés (petits points bien définis) : nodulaire – infiltrant.
- Structures concentriques (petites structures ovales concentriques avec centre gris et contour translucide) : superficiel.
- Roue dentée (projections radiaires brunes, digitiformes, ne partant pas d’un centre pigmenté) : superficiel.
- Globules jaunes (structures rondes jaunes ou blanches) : nodulaire – infiltrant.
- Structures blanches porcelaine (zones blanches sans structure définie) : infiltrant.
- Lignes blanches radiaires : Pinkus.
- Structures blanches brillantes (courtes lignes blanches entrecroisées) : superficiel.
- Erosions multiples (petites croutes jaunes ou brunes multiples) : superficiel.
- Ulcération (croûtes hémorragiques brun-noir, généralement centrales) : nodulaire.
Examens
complémentaires
Histologie
:
CBC nodulaire :
plusieurs massifs ou lobules larges et bien circonscrits dans le derme, constitués
de cellules basaloïdes aux noyaux d’agencement palissadique en périphérie.
Artéfacts de rétraction.
CBC superficiel :
nid tumoral appendu à l’épiderme ou aux follicules pileux. Foyer tumoral
constitué de cellules basaloïdes aux noyaux agencés de manière palissadique en
périphérie. Artéfacts de rétraction également présents et séparent les cellules
tumorales du stroma. Foyers tumoraux souvent multiples, séparés par des
intervalles de peau normale.
CBC infiltrant :
CBC trabéculaire ou micronodulaire. Trabéculaire : foyers tumoraux de
petite taille, mal limités, intradermiques ou dermo-hypodermiques. Foyers peu
cellulaires à l’architecture variée, en îlots irréguliers ou travées.
Agencement palissadique des noyaux périphériques : discret ou absent. Prolifération
tumorale étendue dans le derme avec des limites floues et selon un mode
infiltrant. Forme micronodulaire : multitude de foyers tumoraux de petite
taille formant des lobules bien limités. Agencement palissadique des noyaux
périphériques discret.
CBC
sclérodermiforme : foyers tumoraux à type de cordons effilés, parfois
représentés par une seule assise cellulaire. Cellules tumorales peu
différenciées, pas d’agencement périphérique palissadique. Infiltration d’un
stroma tumoral scléreux. Eléments tumoraux sur toute la hauteur du derme,
parfois extension jusqu’à l’hypoderme.
Association
possible de ces différents sous-types histologiques (retenir la composante de
plus mauvais pronostic).
CBC métatypique :
différenciation malpighienne carcinomateuse, forme transitionnelle potentielle
avec le carcinome épidermoïde
Carcinome mixte
ou composite : défini par l’association CBC et CE, chaque composante étant
bien identifiable.
Imagerie
: aucune (sauf point d'appel)
IRM tissulaire
locale ou TDM régional : en cas de suspicion d’invasion locale importante / stade avancé
Groupes
pronostics
Bon
pronostic :
CBC
superficiels primaires et tumeur de Pinkus.
CBC nodulaires
primaires, bien limités < 1 cm sur
la zone à risque intermédiaire de récidive (front, joue, menton, cuir
chevelu et cou) < 2 cm sur
la zone à bas risque de récidive (tronc et membres).
Pronostic
intermédiaire :
CBC
superficiels récidivés
CBC nodulaires < 1 cm sur
la zone à haut risque de récidive, > 1 cm sur
la zone à risque intermédiaire de récidive, > 2 cm sur
la zone à bas risque de récidive.
Mauvais
pronostic :
Formes
cliniques sclérodermiformes ou mal limitées
Formes
histologiques agressives (sous-types sclérodermiformes et infiltrants et formes
métatypiques)
Formes
récidivées (sauf CBC superficiels)
CBC nodulaires
de la zone à haut risque de récidive (nez et zones péri-orificielles de
l’extrémité céphalique) et taille > 1 cm.
Classification (consensus européen 2023 EADO) :
Deux catégories (Stade I, faciles à traiter et tous les autres stade, difficiles à traiter et nécessitant une approche thérapeutique plus complexe, avec risque de récidive plus élevé)
Stade I : "Faciles à traiter" : formes courantes du CBC, dans plus de 90% des cas, bas risque, et ne comportant aucun des autres critères des stades supérieurs.
Stade IIA : CBC commun mais difficulté technique en raison de certaines caractéristiques de la tumeur elle-même (localisation péri-orificielle, bords mal limités, récidive) ou du patient (état général altéré, comorbidité, refus de coopérer / refus de prise en charge chirurgicale).
Stade IIB : surtout lié à la multiplicité des lésions : CBC multiples (plus de 10 « faciles à traiter » ou plus de 5 dans le cadre d’un syndrome de Gorlin).
Stade IIIA : extension locale avancée en dehors d’une zone critique : tumeur large ou destructive, en zone « non critique » « non fonctionnelle ».
Stade IIIB : extension locale avancée en zone critique ou fonctionnelle : tumeur large ou destructive en zone critique ou fonctionnelle importante (péri-orificielle) jugée curable chirurgicalement mais avec impact fonctionnel ou mutilation inévitable.
Stade IIIC : CBC extrêmement avancé : tumeur géante ou invasive, avec atteinte des tissus extra-cutanés (os, muscle, atteinte de structures vitales ou sensorielles), incurable chirurgicalement quelle que soit son extension.
Stade IV : métastases à distance.
Risque de récidive plus important :
- localisation sur la zone en H du visage
- critères histologiques agressifs (invasion périneurale ou périvasculaire)
- patient immunodéprimé
Complications
Locales :
invasion progressive des tissus environnants, sous-jacents (muscles,
cartilages, os), notamment dans les formes agressives.
Ulcération et surinfection,
nécrose
Déformation et
destructions tissulaires : mutilations nécessitant des reconstructions
complexes, notamment en cas de localisation en zone à risque (péri-orificielle).
Récidive locale :
en cas d’exérèse incomplète surtout, ou forme agressive / localisation de
traitement difficile.
Métastases à distance :
extrêmement rares (moins de 0,1% des cas, surtout localisation
ganglionnaire, pulmonaire et osseuse)
Diagnostics
différentiels
Carcinome épidermoïde cutané.
Mélanome
(notamment achromique, ou en cas de CBC tatoué).
Carcinomes
annexiels cutanés : adénocarcinome, trichoblastome, trichoépithéliome etc.
Angiome,
hémangiome, tumeur vasculaire.
Kératoacanthome
Leishmaniose cutanée
Tuberculose cutanée (scrofuloderme)
Cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes
Evolution et pronostic
Evolution lente,
très faible potentiel métastatique mais agressivité locale (potentiel invasif
plutôt que métastatique).
Pas de tendance
à la guérison spontanée.
Récidive
possible en cas d’exérèse incomplète.
Excellent
pronostic dans la majorité des cas : mortalité très faible (taux de survie
proche de 100% après traitement)
Pronostic plus
réservé en cas de
- formes avancées, avec destruction tissulaire majeur
- forme
histologique agressive (infiltrant, sclérodermiforme : plus de tendance à
la récidive)
Traitement
Réunion de
concertation pluridisciplinaire en cas de forme avancée.
En 1ère
intention :
Chirurgie
- Marges : 3 mm
(pronostic bon) ou > 4 mm (pronostic intermédiaire) / chirurgie + extempo ou
chirurgie en 2 temps
- Marges : 6 mm
(5-10 mm) si mauvais pronostic, ou chirurgie de Mohs / chirurgie + extempo ou
chirurgie en 2 temps.
En 2e
intention :
Bon pronostic
ou pronostic intermédiaire : radiothérapie, cryochirurgie.
Mauvais
pronostic : radiothérapie
En 3e
intention :
Bon pronostic :
curetage-électrocoagulation (utilisation non recommandée mais envisageable sur
une zone à faible risque de récidive pour les CBC nodulaires de petite taille
< 2 cm ou CBC superficiels).
Radiothérapie :
Contre indiquée en cas de syndromes
génétiques prédisposant aux cancers cutanés
Non recommandée en traitement de première
intention si une chirurgie d’exérèse peut être réalisée
Non recommandée chez
les sujets de moins de 60 ans, en cas de CBC sclérodermiforme, sur certaines
zones (oreilles, mains, pieds, jambes, organes génitaux)
A réserver aux cas où
la chirurgie n’est pas possible
Cryothérapie (Cryochirurgie) :
Alternative à la chirurgie lorsqu'elle ne peut être réalisée, pour les CBC superficiels
localisés sur zone à faible risque de récidive ; les CBC nodulaires bien
limités d’une taille inférieure à 1 cm quelle que soit la localisation (risque
de retard de cicatrisation si sur membres inférieurs).
En cas d’exérèse
incomplète :
Reprise chirurgicale thérapeutique recommandée, avec
extempo / chirurgie en 2 temps ou chirurgie de Mohs en cas de mauvais
pronostic.
Radiothérapie
en seconde intention.
Surveillance
simple possible pour les formes de bon pronostic
En cas de
forme récidivée :
CBC superficiel :
chirurgie avec marges 4mm, radiothérapie en seconde intention.
Autres :
chirurgie + extempo, ou 2 temps ou Mohs, et radiothérapie en seconde intention.
En cas de
forme superficielle :
PDT (photothérapie dynamique topique) : 1 séance
Imiquimod (Aldara®) : 5j/7 pendant 6 semaines
En cas de
forme avancée (RCP) :
Vismodegib (Erivedge®) seul ou accompagné de radiothérapie.
En seconde
intention : inhibiteurs de checkpoint (anti PD 1) : cemiplimab.
En cas de
résistance, intolérance à l’immunothérapie ou progression : chimiothérapie
(ex : carboplatine et paclitaxel)
Recommandations (EADO 2023)
Stade I :
- Chirurgie avec marges de 3 à 4 mm,
- Alternative pour les CBC superficiels à faible risque : traitements destructeurs : cryothérapie, cryochirurgie, curettage, électrodessication OU
- Traitements topiques : imiquimod 5%, 5-FU 5% OU
- Photothérapie dynamique topique
Stade II :
- Chirurgie en première intention : Mohs ou marges de plus de 5 mm.
- En l’absence de chirurgie possible : RCP
- CBC multiples, syndromiques ou sporadiques : inhibiteurs de la voie Hedgehog (vismodégib ou sonidégib) ou anti-PD1 en cas de CI, échec ou intolérance
- electrochimiothérapie en dernière intention.
- autres raisons et classification stade II : Radiothérapie préalable puis inhibiteurs de Hedghog, anti PD1 puis electrochimiothérapie.
Stade III (RCP) :
- Chirurgie et/ou radiothérapie.
- En cas de contre-indication ou traitement non curatif (2e ligne) : inhibiteurs de Hedghog (vismodégib),
- En 3e ligne ou si contre-indication, échec ou intolérance : anti-PD1
- En dernière ligne : électrochimiothérapie.
Stade IV (RCP) :
- 1ère ligne : inhibiteurs de HH (vismodégib)
- 2e ligne ou contre-indication ou traitement non curatif précédemment : anti-PD1
- 3e ligne ou contre-indication ou échec ou intolérance : Essais cliniques, chimiothérapie, soins palliatifs
- Dernière ligne : électrochimiothérapie.
Suivi
Clinique 1x/an
pendant 5 ans
Sources
Sumaira Z Aasi, Treatment of basal
cell carcinomas at high risk for recurrence, In: UpToDate, Stratman E (Ed),
Wolters Kluwer (Accessed on Feb 2025).
Renato G Martins, Systemic treatment
of advanced basal cell and cutaneous squamous cell carcinomas, In: UpToDate,
Stratman E (Ed), Wolters Kluwer (Accessed on Feb 2025).
e-cancer.fr,épidemiologie des cancers cutanés, octobre 2024
Persis K et al, European consensus-based interdisciplinary guideline for
diagnosis and treatment of basal cell carcinoma – update 2023, Eur J Cancer
2023
M. Boileau, Carcinome
basocellulaire : quels traitements aujourd’hui ?, La Revue du
Praticien, octobre 2023
L. Thomas,
fiche de dermoscopie numéro 6, réalités Thérapeutiques en
Dermato-Vénérologie n° 266, Novembre 2017 .
ANAES, Carcinome basocellulaire, Recommandations pour la pratique clinique, Ann Dermatol Venerol 2004